Dis, pourquoi tu fais du kendo?

Pour ce premier article de blog, j’ai décidé de me pencher sur une question que l’on m’a posée très souvent et à laquelle je n’ai pas toujours répondu de la même façon : pourquoi faire du kendo?

La question m’a été posée un nombre incalculable de fois, avec des tournures plus ou moins sympathiques telles que :

  • Le truc avec le bâton? A quoi ça sert?
  • Pourquoi tu fais ça? Ça sert à rien si on t’attaque dans la rue, t’auras pas ton bâton.
  • Du kendo? De toute façon moi je t’éclate quand je veux.
  • Quoi? du Taekwondo?

Heureusement, tout le monde n’est pas aussi désagréable, mais les gens s’interrogent souvent sur ce qui peut amener quelqu’un à pratiquer le kendo. Moi-même, je me suis demandé plusieurs fois pourquoi je m’infligeais cela ; commençons donc par évoquer les freins à la pratique du kendo.

Pourquoi ce n’est pas une bonne idée de faire du kendo

  • Parce que même après des années de pratique, on reste bénévole. Pourquoi faire autant d’effort si on est pas rémunéré!
  • Parce que le kendo, c’est ingrat : il faut beaucoup s’entraîner pour progresser, et il est facile de régresser ou de stagner.
  • Parce qu’aucun de vos amis ne comprend pourquoi vous faites du kendo.
  • Parce que le kendo, c’est incompréhensible : pourquoi il y a ippon ? Il l’a touché pourtant? C’est quoi exactement le seme?
  • Parce que le kendo c’est désuet : on fait semblant d’utiliser une vieille arme, il faut faire preuve de discipline, il faut respecter ses aînés, il faut être rigoureux… C’est tellement désuet que ça ne passe même pas à la télé!
  • Parce qu’il y a beaucoup de matériel coûteux à transporter et à entretenir.

Pourquoi je ne peux plus vivre sans kendo

Chacun d’entre nous a ses propres raisons de pratiquer, voici ce que je retiens comme facteurs motivants, peut-être les reconnaîtrez-vous.

Une pratique qui évolue avec le temps

Depuis que je pratique, j’ai toujours eu la chance de trouver des facteurs de motivation intéressants et de plus en plus complexes.

  • à 10 ans : youpi, j’ai une épée!
  • à 13 ans : c’est cool de se battre avec les copains.
  • à 15 ans : je peux faire toujours mieux, plus vite, plus fort, plus longtemps.
  • à 20 ans : le kendo c’est difficile, mais j’aime ça!
  • à 25 ans : chaque rencontre de kendo est comme une discussion où l’on apprend à connaître l’autre et soi-même.
  • à 30 ans : mon kendo et ma vie influent l’un sur l’autre.
  • et ensuite?

Des valeurs utiles

Le kendo enseigne et développe un certains nombre de compétences au travers de valeurs.

En premier lieu, la persévérance et l’assiduité. Dans un monde où l’on cherche à économiser son temps et à maximiser sa rentabilité, il est étonnant de passer plusieurs heures par semaines à s’entraîner pour une activité non rémunératrice et difficile. Il ne faut pas oublier que le sentiment d’accomplissement et de progression n’est pas quelque chose que l’on peut acheter ou hériter.

Mais aussi la discipline et le respect ; l’enseignement au sein d’un dojo est codifié, avec une étiquette à suivre et des règles à respecter. Les plus jeunes suivent les plus expérimentés, et chacun respecte les autres, comme le matériel et les locaux. Certains y voient une rigueur et une discipline pseudo-militaire, mais cela permet un enseignement efficient et une communauté soudée.

La résistance au stress et à la pression : le kendo enseigne une forme de résilience ; dès le plus jeune âge, les pratiquants doivent affronter plus grands et plus expérimentés qu’eux. Ils apprennent ainsi à continuer à agir et à progresser quand les conditions sont défavorables. Cet entraînement ne cesse jamais, car tout pratiquant se doit d’aller inviter des gens plus gradés que lui, ainsi que d’aller en examen de grade ou en compétition. Le kendo apprend à donner le meilleur de soi-même et à ne pas reculer lorsque l’on est dans une situation difficile, ce qui est à mon sens une des plus belles valeurs qui existe.s

La générosité : le kendo enseigne à ne pas s’économiser à l’entraînement et à partager ses connaissances. Là encore, dans notre monde moderne, la tendance est plutôt d’en faire le moins possible, et de garder ses connaissances pour soi ou bien de les monnayer. Étonnamment, ce ‘gachis’ de générosité a le plus souvent un retour sur investissement élevé, puisqu’il permet une progression personnelle sans ‘truc secret’ tout en instaurant une relation de confiance avec les autres.

Enfin, la dernière valeur, et non des moindres, est l’empathie. Il est impossible de progresser en kendo en se refermant sur soi-même ; il faut communiquer, échanger et comprendre l’autre pour pouvoir s’opposer à lui. Il m’arrive parfois de développer des liens de sympathie étonnamment fort avec un pratiquant inconnu croisé en stage, comme si nous avions passé une soirée à discuter plutôt que quelques minutes à s’opposer.

La notion de voie et de progrès

Le terme ‘do’ dans kendo indique que la discipline est une voie, un cheminement, une progression ; l’objectif n’est pas de gagner ou de vaincre l’autre, mais bien de chercher à se façonner soi-même. Ainsi, le kendo permet de se réaliser, se comprendre et se construire, parfois jusqu’à un âge avancé, sans chercher à se comparer aux autres. Le but n’est pas de paraître, mais de travailler pour être.

Des gens formidables

Le kendo permet de rencontrer des gens étonnants. Les histoires ci-dessous sont liées à des gens que je connais, ou bien des histoires que j’ai entendues. Certaines sont peut-être juste des légendes, certaines sont peut-être liées à plusieurs personnes, mais toutes impliquent des gens inspirants que je suis heureux de connaître, ou que je serais heureux de connaître.

  • Ce haut-gradé, qui a œuvré toute sa vie pour développer le kendo dans son pays, qui a refusé un grade honorifique car il estimait ne pas le mériter avec son niveau.
  • Ce pratiquant, qui planifie ses chimiothérapies de manière à pouvoir continuer à s’entraîner.
  • Ce sensei qui, la veille de son décès, sur son lit d’hôpital, a demandé à sa fille de le conduire à l’entraînement.
  • Ce haut-gradé, boulanger de profession, qui s’est levé à 4h du matin le jour de son examen de 8ème dan pour préparer son pain.
  • Ce sensei, enseignant en fac, qui a vu passer des dizaines de milliers de visages différents, qui se souvient d’un élève vue une fois en stage en le croisant par hasard dans la rue.
  • Ce pratiquant, âgé et très haut gradé, qui donne tout ce qu’il a sur chacune de ses démonstrations.
  • Ce pratiquant âgé de plus de 80 ans, qui semble frêle, et qui irradie de puissance dès qu’un shinai arrive entre ses mains.
  • Ce sensei, qui a tenté d’obtenir son grade supérieur pendant 10 ans avant de réussir.
  • Ce pratiquant qui anime et gère son club bénévolement depuis des années.
  • Ce pratiquant qui s’occupe des jeunes bénévolement pendant des années, les accompagnant en stage ou en compétition.
  • Ce pratiquant, qui a commencé à un âge tardif et s’entraîne sérieusement.
  • Ce pratiquant qui décide de pratiquer un style rare dans son pays, et qui fait des allers-retours au Japon pour ramener ce style en France.
  • Cette légende, qui est capable de porter une attaque en 1/10 seconde.
  • Ce pratiquant, qui fait la fête, dort peu, mais est toujours le premier à l’entraînement le matin.
  • Ce sensei, venu en France pour aider au développement du kendo, qui est arrivé au 8ème dan en s’entraînant sans suivre de sensei.
  • Ce sensei, qui évite les combattants dans son dos car il a senti les vibrations du parquet de leurs déplacements.
  • Ce kyusha, dont le sensei quitte le dojo, qui décide de faire 1000 km par semaine pour aller s’entraîner ailleurs et reprendre le flambeau de l’enseignement dans son dojo.
  • Ce pratiquant, qui a perdu ses jambes, et qui a adapté sa pratique.

Pour finir

Peut-être vous êtes vous reconnus dans cet article, peut-être que certains passages vous ont marqués. Dans ce cas, je vous invite à accéder à cette page pour trouver le club le plus proche de chez vous et nous rejoindre!